Pourquoi avoir voulu interviewer Nicolas Joriot pour mon blog ? C’est en voyant ses belles photos que j’ai décidé de l’appeler et nous avons convenu d’un rendez-vous chez moi. Comme mon adresse n’est pas indiquée sur le GPS je m’apprêtais à lui donner des directions pour la route à suivre lorsqu’il m’a interrompu en me disant « Je ne me sers jamais du GPS, je déteste ça ! Il est vrai que je me perds souvent mais j’arrive toujours à destination, donc ne te fais pas de soucis ». Il est bien arrivé, et pile à l’heure !
Nicolas Joriot est spécial. Lorsqu’on lui demande de se définir il répond, journaliste, photographe et écrivain mais s’empresse d’ajouter qu’il n’est ni bon journaliste ni un grand photographe. Il l’affirme sans fausse modestie car en vérité il ne veut surtout pas qu’on l’enferme dans une case avec toutes les limitations que cela suppose. Le propos de ce blog étant de débusquer des talents créateurs qui vivent dans la Drôme lorsque Nicolas finira de décrire sa vie il était évident pour moi que j’en avais trouvé un avec de multiples cordes à son arc.
Nicolas est né en Aix-en-Provence où il a passé sa jeunesse. Très tôt il prit conscience que sa ville natale n’était pas pour lui. Le tohu-bohu des rues pleines de monde, la horde des touristes et la lumière aveuglante du Midi l’oppressaient et il rêvait de silence et de grands espaces où il se sentirait en harmonie avec la nature, ou bien encore de cités et de lieux n’ayant pas encore subi l’effet niveleur des temps modernes.
Comment en est-il arrivé à ce qu’il est aujourd’hui ? Est-ce qu’il a fait des études littéraires, eu une formation de photographe, été à une école de journalisme ? La réponse est trois fois non. Est-ce qu’il est bon écrivain, bon photographe, bon journaliste ? La réponse est trois fois oui. Il est tout cela et plus car s’il y a un trait qui caractérise Nicolas c’est qu’il est souvent là où on ne l’attend pas. Après son service militaire il deviendra coureur motocycliste professionnel et pendant dix ans il voyagera pour prendre part aux championnats nationaux et participer à des courses internationales. Ici encore il ne manque pas de préciser qu’il n’est pas sportif et qu’il ne connaît pas grand-chose à la mécanique. C’est la même attitude qui prévaut lorsqu’il décide de construire sa maison de ses propres mains. « Au début j’étais maladroit, je n’avais pas la moindre idée de comment m’y prendre. Chemin faisant je suis devenu maçon, menuisier, couvreur, architecte. Et, cela a marché. » Ayant construit sa maison des amis lui demanderont de les aider à faire la leur. Puis il passera à d’autres projets qui se présenteront.
Voyager, Nicolas l’a dans ses gênes. Pour lui c’est l’ouverture sur d’autres mondes et aussi le besoin de se retrouver face à face avec lui-même sans repères dans des conditions parfois dures et difficiles. Ceci explique peut-être son aversion pour le GPS ! Quand il se déplace, à chaque endroit où il se trouve, il consigne par écrit tout ce qu’il voit et ressent. Des photos prises avec un maximum de concentration complètent le tableau. Par discipline, il s’en autorise une dizaine par jour et attendra patiemment au besoin des heures durant le bon moment pour que la prise soit conforme à ce qu’il cherche. C’est ainsi qu’il lui est arrivé de s’attarder trois heures par -25 C en attendant que deux hommes se croisent à l’endroit voulu sur une passerelle. Ce ne sont pas les faits et les chiffres qu’on trouve dans les brochures touristiques et si souvent dans les récits de voyage qui l’intéressent mais bien l’atmosphère qui règne dans le lieu où il se trouve et le mode de vie de ceux qu’il croise.
Ce sera après sa rencontre avec la photographe Anna Puig Rosado qui deviendra sa compagne que Nicolas découvre la caméra et comment une photo peut être une valeur ajoutée aux écrits en captant par l’image ces moments d’affinité avec l’environnement qu’il explore. Il s’achète un vieil appareil Leica équipé d’un objectif 35mm – il est caractéristique pour lui de ne pas avoir choisi un appareil numérique sophistiqué – et depuis 15 ans il prend des photos en noir et blanc avec une pellicule de 800 ASA. Avec Anna ils ont ainsi voyagé plusieurs fois à travers le Moyen-Orient, de la Turquie au Yémen, en poursuivant leur route jusqu’au sud de l’Inde. Tous les matins sur les lieux qu’ils visitent chacun part de son côté à la recherche des sujets qui l’intéressent avant de se retrouver le soir.
Mais Nicolas part aussi en solo et ses pérégrinations l’amènent parfois loin de chez lui. Il a passé du temps à Chongqing dans le sud-est de la Chine au confluent de deux grands fleuves, le Yangtsé et le Jialing, au sujet desquels il écrira poétiquement et avec clairvoyance qu’ils sont « deux eaux de couleur différentes qui s’accouplent en silence et sans faire de vagues, tout ce que les hommes ne savent pas faire » ! Une autre expédition le mènera jusqu’aux régions arctiques, à Mourmansk sur la Mer de Barents. Chaque fois il revient de ces expéditions avec une série de photos évocatrices et parfois envoûtantes ainsi que des écrits sur la manière dont ces destinations lointaines l’ont affecté.
Si Nicolas hésite à se qualifier d’écrivain, photographe ou journaliste il est clairement artiste de sa propre vie, chaque entreprise dans laquelle il s’engage étant un acte de création.
On dit qu’une image vaut mille mots. Les photos de Nicolas qui suivent parlent d’elles-mêmes.
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