Kwhezi Strydom

Khwezi Strydom est encore jeune, 42 ans, mais ne les fait pas. Mince, cheveux noirs, yeux noirs il incarne ses origines : père africain de l’Afrique du Sud, mère française née en Tunisie. Sa mère est elle-même artiste peintre de talent et lorsque Khwezi était encore enfant elle l’encourageait à dessiner et à peindre tout en lui apprenant les astuces et les finesses du métier. Khwezi est né aux Etats-Unis où son père a travaillé. Donc, dès son plus jeune âge son milieu sera international et artistique. Cependant, il grandira en France à Lyon où il fera sa scolarité chez les Maristes, une communauté religieuse qui aspire entre autres choses à l’épanouissement de la créativité de ses élèves. Elève doué il manifestera de l’intérêt pour un grand nombre de sujets, notamment scientifiques, et après avoir obtenu son BAC S il entamera des études d’astrophysique. Durant ces mêmes années il voyagera en Afrique du Sud, le pays d’origine de son père, et puis aux Etats-Unis et en Amérique du Sud.

Les 3 étapes de la vie – Pérou, 2017

Khwezi est heureux de pouvoir puiser son inspiration dans plusieurs cultures et s’il est vrai que les œuvres d’un peintre sont révélatrices de sa personnalité, ce sentiment est pleinement justifié. Lorsque j’ai visité son exposition à « l’Usine » au Poët Laval il y a quelques mois ma réaction immédiate en voyant les travaux accrochés aux murs était qu’ils venaient « d’ailleurs ». Pour être plus précis ils avaient une originalité et contenaient des éléments de style et de contenu émanant de sources très diverses et par-delà les conventions artistiques que l’on est trop souvent amené à voir dans les expositions de peinture moderne. Tout en étant parfaitement contemporains et exécutés avec assurance les tableaux de Khwezi reflètent une vaste gamme d’idées éthiques et culturelles. En étudiant de plus près ses peintures chargées de signes et de symboles je ne peux m’empêcher en contemplant certaines d’entre elles d’être ramené aux temps lointains de l’écriture cunéiforme de Mésopotamie et aux hiéroglyphes égyptiens. D’autres, au contraire, sont on ne peut plus actuels et me font penser aux tableaux de Keith Haring, l’artiste graffeur américain, qui fait entrer dans son travail des éléments de culture populaire qui captent immédiatement l’œil et l’esprit du spectateur. A côté de cela et de façon tout à fait surprenante on trouve des tableaux qui pourraient être des représentations du dieu hindou Shiva alors que d’autres, des portraits, sont clairement inspirés de masques africains. D’ailleurs, en y regardant de plus près j’ai ressenti – mais je me trompe peut-être – un besoin de spiritualité, comme si à travers les signes et les composantes de ses tableaux Kwhezi cherchait à toucher à l’intangible, à ce qui est au-delà de la réalité visible.

Gravure imprimée sur un format A2

Pour ce qui était des toiles récemment exposées à « l’Usine » – certaines étaient de grand format – la plupart s’inspiraient, si j’ai bien compris l’explication que m’a donnée la jeune artiste qui assurait la permanence, des transmutations d’un papillon.  Et puis, comme pour compléter les interrogations que Khwezi semble se poser à travers sa peinture il y avait des tableaux entièrement composés avec des chiffres : du pur art conceptuel en somme ! Cette pluralité qu’on retrouve dans ses œuvres contraint chaque fois le spectateur à des réajustements de perception. C’est bien aussi le cas lorsqu’on a affaire au multiculturalisme dont il est issu, une nécessité continuelle de se mettre au diapason de mondes différents. L’imagination de Kwhezi et sa curiosité artistique et intellectuelle semblent se nourrir de ces différences et faire de lui l’artiste sans frontières qu’il ambitionne d’être !  Tandis que nous discutions lors de ma première visite à son atelier, derrière lui, une grande toile encore inachevée accrochée au mur m’intriguait. J’y décelais une approche et des traits qui rappelaient le génial Jean-Michel Basquiat de la scène New Yorkaise des années 70 dont une toile s’est encore récemment vendue à 110 millions d’euros. A ce propos, je note et c’est sans doute anecdotique, que Kwhezi comme Basquiat est métis, il y a aussi une petite ressemblance physique entre eux, tous deux ont commencé par être des graffeurs, et dans les deux cas leurs mères peignaient et ont enseigné à leurs fils les rudiments de l’art !

Ma lumière noire, 2015 – 100 x 160 cm

La découverte de l’art urbain, le Street Art, aujourd’hui reconnu comme forme d’expression artistique à part entière, marquera un grand tournant dans la vie de Kwhezi.  Depuis sa jeunesse il n’avait jamais cessé de peindre mais de manière traditionnelle, au pinceau, à l’huile ou à l’acrylique sur toile mais il va devenir un fervent graffeur ce qui lui ouvrira de nouveaux horizons. Dorénavant, son champ d’action s’étendra de manière spectaculaire. Toute la ville devient son atelier, les dimensions de ses œuvres illimitées. Il s’initie à la bombe de peinture, au pochoir, au collage. C’est un savoir additionnel qu’il va également mettre en application dans ses toiles d’atelier. Avec ses amis graffeurs ils sillonnent les rues de Lyon sur des skateboards à la recherche de murs et de façades à décorer de fresques aux couleurs brillantes. Il y a chez ces jeunes artistes un esprit tant soit peu subversif et le besoin d’exprimer par leur action une contestation sociale et politique qui flirte avec l’illégalité et qui les amène parfois à braver les interdictions et à affronter la police.

Q U, 2019 – 195 x 130 cm

Aujourd’hui collectionneurs, galeries à la mode, musées ont adopté, après l’avoir rejetée, cette nouvelle forme d’art pictural qui fait de plus en plus partie de nos paysages urbains. De cette passion se confirme chez Kwhezi une volonté d’indépendance et le besoin de l’exprimer hautement. Il lui restera toutefois encore une étape à franchir, une période de cinq ans pendant laquelle il deviendra souffleur de verre en Alsace, avant de prendre la décision de se consacrer uniquement à la peinture. Grâce à la popularité croissante de l’art urbain les demandes d’offre de la part d’autorités municipales pour décorer leur ville, de particuliers qui souhaitent égayer un mur ou une façade, Kwhezi ne manque pas de commandes. Il organise aussi des ateliers, tient des expositions et en ce moment suit une formation d’art-thérapie pour venir en aide à ses semblables dans le besoin en développant chez eux leur créativité. Belle carrière qu’il a choisie ! Belle vie tout court !

http://www.khwezistrydom.fr/shop/paintings/

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