Alexandrine Aimé – L’Enfance Retrouvée

Nous avons récemment, Anke et moi, rencontré Alexandrine Aimé une céramiste qui décidément sort de l’ordinaire. Dès notre première rencontre une vive et intéressante discussion s’est engagée au cours de laquelle il était évident que nous avions affaire à une artiste débordante d’activités et de projets, une vraie boule de feu créatrice.

Outre ses sculptures de personnages et d’animaux caricaturés et très originaux ainsi qu’une production de pièces utilitaires, elle trouve encore le temps pour se consacrer à des tas d’autres activités. Tout semble l’intéresser, aussi bien de partager avec les enfants de la maternelle Dieulefitoise les poèmes qu’elle écrit ou les chansons qu’elle compose, de s’inscrire à de multiples cours sur des sujets de fond, de lire en boucle des ouvrages littéraires comme aussi des bandes dessinées, etc. « Je suis une touche à tout » dit-elle en omettant toutefois d’ajouter que contrairement à nombre de personnes qui « trop embrassent » elle va au bout de ses entreprises. « J’ai la tête pleine d’idées de nouvelles sculptures à faire que je porte parfois longtemps en moi. Et puis en ce moment par exemple j’envisage sérieusement de m’acheter un piano pour apprendre à jouer comme je l’ai fait pour la flûte. J‘ai cette soif du « sans cesse plus » qui ne me quitte jamais et je me demande à 56 ans s’il n’arrivera pas un moment où ce sera trop. » Toujours dans cette volonté de plus Alexandrine fera des études de commerce et de psychologie et elle obtiendra un diplôme des métiers d’art céramiques qui déterminera l’orientation qu’elle poursuit depuis plus de vingt ans avec bonheur.

Cette suractivité chez Alexandrine nourrit sans aucun doute sa créativité. Elle engrange des impressions venues de tous les bords, en témoignent ses sculptures en céramique qui sont une véritable ouverture sur un monde drolatique et plein de fantaisie. Elle nous ramène – du moins c’est ainsi que je l’ai ressenti – aux années de notre enfance, celles du Petit Prince qui à l’âge adulte nous font encore rêver. Ils ont beau être exagérés et bizarres ces personnages affublés de marques graphiques et d’accessoires insolites, je les ai rencontrés, ils m’ont parlé et je crois comprendre leur langage. Ses animaux eux aussi ont ce même attrait évocateur. Qui est ce promeneur qui tient son chien d’un bleu éclatant en laisse et dont les yeux globuleux implorent le ciel ou cette jolie ballerine aérienne perchée sur son cheval qui semble vouloir s’envoler ? C‘est toute une imagerie poétique qui me rappelle les bandes dessinées de ma jeunesse comme aussi les illustrations classiques de mes livres pour enfants dans lesquelles s’égarait mon imagination. En somme, dans l’art d’Alexandrine on trouve le rêve, l’humour, la tendresse, l’ironie, la joie, tout ce qui donne envie de gouter à la vie.

Comme à mon habitude j’ai voulu à travers un petit questionnaire en savoir plus sur le parcours d’Alexandrine et les raisons qui l’ont poussé à devenir céramiste.

Question

Lorsque tu étais petite et dans ta jeunesse est-ce que tu aimais déjà dessiner et modeler ?

Réponse

Je me souviens seulement à l’école d’un poisson que j’avais modelé en argile qui avait plu à mes profs qui l’ont exposé, mais pour le reste non. Mes parents qui s’étaient mariés très jeunes déménageaient souvent en m’amenant avec eux. Il y avait par conséquent peu de temps pour une vie de famille stable au cours de laquelle j’aurais pu avoir des activités qui sont normalement celles des enfants de mon âge, comme de dessiner ou jouer à la pâte à modeler. Je vivais surtout dans mon imagination et du fait de tous ces changements de lieu et de décor, j’observais intensément tout ce qui m’entourait, les formes, les couleurs, les gens et leurs comportements. C’est dans cette bulle, dans mon monde à moi, que je me sentais libre et que j’inventais des tas d’histoires… ce qu’en fin de compte je continue de faire encore aujourd’hui en sculptant des personnages et des scènes qui vivent dans ma tête.

Question

Tu as exercé différentes activités pour gagner ton pain et tu as eu des expériences de vie diverses avant de devenir artiste. Comment et quand est-ce que tu as décidé de faire de la poterie et de devenir une artiste ?

Réponse

Tout d’abord le terme artiste et le devenir lorsque j’étais jeune m’aurait paru inatteignable et ne me serait jamais venu à l’esprit. Ma vision des choses a naturellement changé, autrement je ne me serais jamais mise à la céramique. C’est vrai que j’ai fait pas mal de choses, sur lesquelles je passerai avant d’en arriver là mais mon cheminement a toujours été tracé par ma curiosité insatiable et le besoin de m’investir dans une foule d’activités qui retiennent mon attention. C’est ainsi qu’un jour je me suis inscrite à la Maison de la Céramique à Dieulefit pour suivre des cours de technique du tournage et du modelage. Tout de suite j’ai pu constater que j’avais la main. Et, ça me plaisait énormément ! Puis j’ai été employé en 1999 par un céramiste qui cherchait un assistant poterie. Dans son atelier j’ai littéralement fait des centaines et des centaines de pièces tout en perfectionnant mes compétences. En 2004 grâce à mes sculptures j’ai été admise à la Maison des artistes et à la Biennale de Dieulefit j’ai vendu la totalité des pièces exposées. C’est ainsi que je suis devenue une artiste indépendante !

Question

Vivre de son art n’est pas simple. Comment fais-tu ?

Réponse

A mon habitude je me démultiplie. Ce n’est pas toujours facile et ma nature n’est pas à faire des concessions. Lorsque mes sculptures ont commencé à avoir du succès j’ai été approchée par un investisseur fortuné qui voyait dans mes sculptures la possibilité de réaliser des profits considérables. J’avais déjà vendu des pièces à des collectionneurs importants mais lui voyait beaucoup plus grand. Pourquoi ne pas s’orienter vers le marché international sur les pas de Niki de Saint Phalle, Jeff Koons…. ? Il avait déjà rédig é un contrat. Il n’y avait plus pour moi que d’y apposer ma signature. Le projet n’aurait peut-être jamais abouti mais moi je perdais ma liberté et en même temps la raison d’être de mon travail, celle de m’exprimer et d’être qui je suis. J’ai donc refusé. Je n’ai pas de regrets car je me débrouille assez bien, je ne pense pas trop aux risques et j’aime aller de l’avant. Je suis bien équipée, j’ai un bel atelier et de beaux fours et je partage une galerie avec Nadine Nacinovic dans la rue du Bourg à Dieulefit. Donc c’est comme ça et ça va !

Question

Est que tu as des rêves de projets en ce moment ?

Réponse

Oui, j’en ai plusieurs, notamment une grande sculpture, vraiment très grande, d’Adam et Eve, mais je n’en dirai pas plus.

 

 

 

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