Mireille Moser

« On ne sait pas ce qu’on peint, ce qu’on écrit
On ne connait pas le secret d’avance
On se fie aux couleurs, aux lignes, aux mots mais ce qu’on veut faire reste caché
Ce n’est que bien plus tard que le sens tout à coup paraît. »

(Extrait du livre : Elle par bonheur, et toujours nue, par Guy Gouffette )

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Dans mon précédent article blog du mois d’octobre j’ai eu le plaisir d’interviewer un créateur de joyaux merveilleux d’origine espagnole, Jean François Pereña. Ce mois-ci c’est au tour de sa compagne Mireille Moser, une céramiste de haut niveau, qui partage sa vie à Rochebaudin. Elle vient de Suisse où ils ont tous deux fait leurs études, travaillé et connu leurs premiers succès avant de s’installer en France.

Devenir une artiste et continuer à l’être n’est pas une simple affaire. Il ne s’agit pas d’un travail comme un autre. L’ouvrier, le fonctionnaire ou ceux qui ont une profession libérale sont formés pour servir la société en exerçant une tâche déterminée dont ils apprennent à connaître les ficelles en étudiant ou par expérience. Pas besoin d’imaginer et d’inventer ! L’artiste, en revanche, le vrai, ne dispose pas d’un savoir préparé à l’avance qui donne les solutions. Par définition, un créateur produit ce qui n’a pas encore existé et par nécessité il est appelé sans cesse à se renouveler afin de trouver les acheteurs qui lui rapporteront de quoi vivre.  Ceux et celles qui choisissent de devenir artiste se verront de ce fait confrontés à de gros défis et beaucoup d’incertitudes quant à savoir si leur inspiration et leur capacité à créer leur permettra de réaliser leur ambition. Il suffit de lire les biographies  des grands artistes pour se rendre compte du courage et de la ténacité dont il faut faire preuve pour réussir dans le domaine précaire de l’art.

A mon avis, l’artiste de cet article blog est une incarnation de cette détermination ! Mireille Moser est pleine de talent et elle connaît la réussite mais en considérant le chemin parcouru – surtout à ses débuts – de toute évidence rien ne lui est venu facilement. Le fait qu’elle soit à la fois une personnalité artistique de premier ordre et une personnalité tout court l’ont aidée à surmonter bien des obstacles et accomplir ce qu’elle s’était promise de réaliser dès son plus jeune âge.

Voici ce qu’elle m’a raconté sur sa vie et son art. Mireille n’était encore qu’une adolescente de 14 ans lorsque en raison de circonstances imprévues elle s’est retrouvée sans famille et obligée toute seule de prendre en main sa vie. Un grand père compréhensif et bienveillant l’assistera financièrement de manière à ce qu’elle puisse terminer sa scolarité mais son avenir paraissait bien mal assuré. C’est alors que son  professeur de dessin s’apercevant de son talent lui conseillera de s’inscrire au concours d’entrée de l’Ecole des beaux arts de Genève. Bien qu’étant la plus jeune candidate elle passera l’examen avec d’excellentes notes. C’est à partir de ce moment que tout commencera à se mettre en place ; Mireille avait 16 ans et elle poursuivra ses études en faisant des petits boulots pour subvenir à ses besoins. Une année de classe préparatoire avec au programme du dessin, de la perspective, du modelage, du moulage, etc. lui ouvrira les portes de l’Ecole des beaux arts de Genève et celles des Arts décoratifs.

Alors qu’elle réfléchit à la voie qu’elle pourrait suivre elle fera une découverte révélatrice : celle de la signification du volume en art. C’est un véritable choc, comme une épiphanie : pour elle plus de doute possible, son chemin artistique est tout tracé, elle deviendra sculptrice. C’est pleine d’enthousiasme et de confiance qu’elle s’inscrit au cours de sculpture de l’Ecole des beaux arts mais la déconvenue ne tarde pas. Pour quelqu’un qui aspirait à travailler de ses mains, le cours n’offrait aucune perspective. Toute la formation était axée sur l’art conceptuel, très dans le vent à l’époque, et qui consistait à « penser, sans avoir la nécessité de concrétiser. Les classes étaient désertes, plus de professeurs à l’horizon. Dans ma situation je ne pouvais pas me permettre de passer mon temps à faire de l’abstraction. J’avais besoin de solide et d’apprendre un métier grâce auquel je pouvais gagner ma vie. »

De 1971 à 1976, Mireille prend la décision de poursuivre ses études aux beaux arts en choisissant de participer, en tant qu’alternative à la sculpture, aux cours de céramique qui la préparent, comme elle le souhaite, à exercer un métier où elle pourra travailler de ses mains. Pendant  quatre années elle poursuit assidûment ses études en assistant aux classes des beaux arts le matin et à celles de céramique des arts décoratifs l’après-midi. Pour vivre il faut encore manger et payer son loyer. Mireille se verra obligée malgré un programme d’études déjà chargé, de donner des cours de céramique et de trouver des emplois temporaires de vendeuse,  de modèle d’artiste et autres petits emplois qui lui permettront de vivre.

Peu de temps après ses études Mireille, dont l’esprit d’entreprise n’est jamais en reste d’initiatives, s’associe au centre genevois d’artisanat, une coopérative d’artistes qui autogérait une boutique où elle pourra présenter et vendre sa production ainsi qu’une galerie dont elle deviendra une des responsables. Pendant 8 ans, elle partagera un atelier de céramique avec une, puis deux collègues, tout en continuant à donner des cours de céramique le soir. Vers cette époque elle fait la rencontre de Jean François qui deviendra son compagnon. Toutes ces activités finissent cependant par trop peser et elle ressent un besoin de repos. Jean François dont les expositions s’enchaînent et qui exerce de multiples activités partage son idée d’une pause et ils décident de prendre une année sabbatique et de voyager afin de prendre du recul pour envisager l’avenir. Au bout de leur périple, d’un commun accord, ils choisissent, de quitter la Suisse pour venir s’installer en France. «Nous avons trouvé un endroit à Rochebaudin où nous pouvions travailler en toute quiétude et sans être dérangés. Et même s’il y a des désavantages d’un point de vue professionnel à trop s’éloigner de là où tout se passe, le luxe de vivre en contact étroit avec nos aspirations nous a permis d’avancer sur un plan artistique. Nous avons également eu la chance d’établir des relations inattendues et enrichissantes avec des musées et des galeries.»

La décision prise par Mireille et Jean François de se distancier de la vie artistique trépidante de Genève comportait des risques mais dans leur cas elle aura été bénéfique. Après plus de 30 années de vie dans leur petit village drômois de Rochebaudin ils peuvent faire un retour en arrière avec la satisfaction d’avoir atteint leur but. Le nombre d’expositions de Mireille tant en France qu’à l’étranger, en Suisse, en Allemagne, en Hollande et même en Chine  comme aussi les prix qui lui sont décernés sont bien la preuve que ses œuvres sont recherchées. Lorsque je les ai vues pour la première fois, j’ai immédiatement été frappé par leur originalité et leurs qualités esthétiques. Leur attrait provenait à mes yeux d’une combinaison bien mesurée entre la masse solide qui caractérise les volumes de ses pièces – qu’elles soient anguleuses, enroulées ou arrondies –  et l’utilisation très raffinée des couleurs. « Les volumes je les veux grands, trapus, terriblement ancrés dans leur pesanteur» dira-t-elle. En l’entendant ainsi parler il n’est guère surprenant qu’au début Mirielle ait souhaité devenir sculptrice !  Même sans la couleur lorsque les céramiques sont noires elles sont modelées de manière à refléter la lumière dans ses multiples variations, les transformant ainsi en pièces captivantes à voir. Pour obtenir cette impression de solidité Mireille développera une technique de modelage à double parois en découpant des plaques de terre de grès chamotte (tessons d’argile) qu’elle teintera ensuite avec des pigments de porcelaine colorés à l’oxyde de cobalt et de fer, et aussi en les émaillant. Pour cela, comme un peintre, elle utilise des pinceaux, un bout de chiffon et même ses doigts.

Voir film
(Par Gérard Fabbiani)

En résumé, Mireille est une artiste des plus authentiques qui se renouvelle constamment et, pour reprendre ses propres mots, elle continuera à partir chaque fois à « l’aventure »  que ce soit en faisant des céramiques utilitaires ou des créations belles et uniques pour lesquelles seule compte la forme, des volumes grands et trapus, terriblement ancrés dans leur pesanteur !

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