Par Karin Félix-Faure
Il m’est un peu difficile de décrire ma rencontre avec le peintre et sculpteur « hors norme » Roland Dutel. Il habite à deux pas de chez moi et c’est impossible de ne pas repérer immédiatement sa demeure car elle est décorée de manière spectaculaire. je n’étais jamais rentrée chez lui et j’étais curieuse de faire la connaissance de cet artiste qui de toute évidence était un grand original. J’ai frappé une première fois à sa porte, sans résultat. Et puis un jour j’ai eu plus de chance. Apparemment Roland Dutel n’éprouve pas vraiment le besoin de rencontrer des gens qui souhaitent en savoir davantage sur lui. Des interviews il en a eu par des personnes venues du monde entier. Son travail est reproduit dans de nombreux ouvrages et ses œuvres sont recherchées par les amateurs d’art. Devant moi j’avais un vrai artiste, quelqu’un qui non seulement veut créer mais pour qui c’est un besoin profond. Tout ce qui tombe entre ses mains il le transforme en œuvre d’art. Nous sommes descendus dans sa cuisine. Partout il y avait de l’art, des sculptures sous toutes leurs formes faites à partir de matériaux les plus divers, des tableaux, des collages. Ce qui m’a frappé c’est que Roland collectionne le travail d’autres artistes. Jai souvent pu constater que les artistes s’entourent uniquement de leur propre travail. Ce n’est absolument pas le cas pour Roland Dutel. Il me dit préférer l’inattendu, « l’art difficile. » Je m’imagine que cela correspond bien à sa personnalité. Il lui arrive par moments d’être volubile et puis tout à coup de tomber dans de longs silences. Chaque fois que je pensais avoir saisi sa pensée il révélait un nouvel aspect de son travail, une nouvelle dimension. En somme il etait l’incarnation de son art.
Parlant de sa jeunesse, Roger Dutel me raconta que son père travaillait sur des chantiers 60 heures par semaine. Les weekend il était épuisé, de mauvaise humeur et pas facile à vivre. C’était un mode de vie dont Roger Dutel ne voulait en aucun cas. A 18 ans il forma une communauté avec des amis et ils achetèrent une maison. On y jouait de la musique, on entretenait le jardin et certains membres du groupe travaillaient comme maçon pour gagner le pain pour les autres. C’était l’époque des hippies quoique, comme le remarquait Roland Dutel, ses compagnons et lui avaient les pieds bien sur terre contrairement a ceux qui arrivaient de Paris sans aucune idée de la vie à la campagne.
Roland me confia qu’il avait eu un grave accident à l’âge de 20 ans. Une fracture du crâne, il resta deux mois dans le coma. Il ne souhaitait pas plus m’en dire mais l’expérience aura changé le cours de sa vie. Le hasard fait qu’il rencontre un sculpteur qui travaillait le bois et qui lui donna quelques morceaux pour essayer lui aussi. « Nous pourrons toujours les utiliser comme bois de chauffage » lui dit-il. Pour Roland Dutel ce sera un point de depart. Fils d’ouvrier il devint rapidement un bon menuisier et se mit à construire des maisons ce qu’il aime faire encore aujourd’hui.
Roland Dutel est un autodidacte pur sang et aussi une personne qui connaît probablement mieux l’art que de nombreux experts. Il vit et respire l’art avec un passion palpable. Il m’a remercié pour ce « moment agréable » et moi je lui ai remercié pour le généreux partage de son parcours. Cela aura été une rencontre mémorable.
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